Éclairer responsable : les secrets d’une bonne stratégie d’éco-innovation
Le 11 février 2015 aura lieu à Bruxelles un open workshop pour présenter les résultats du projet européen cycLED. Ce programme de recherche a soutenu quatre PME du secteur de l’éclairage dans leur démarche d’éco-innovation visant à concevoir des LED plus performantes, tant du point de vue écologique qu’économique. Cédric Gossart, chercheur à Télécom École de Management, a étudié les obstacles à l’éco-innovation dans l’industrie des LED et les moyens de les surmonter.
« Dans 10 ans, il n’y aura plus que des LED. Elles sont en train de remplacer toutes les technologies d’éclairage. » Le projet européen cycLED (Cycling resources embedded in systems containing Light Emitting Diodes) a donc analysé les opportunités de création de nouveaux produits et services fondés sur la technologie LED. Financé à hauteur de 4 millions d’euros dans le cadre du programme FP7, il réunit 13 organisations européennes et est piloté par Fraunhofer IZM. Son originalité : il a aidé quatre PME (Braun Lighting, ETAP, ONA et Riva) du secteur de l’éclairage à éco-concevoir des LED innovantes et plus respectueuses de l’environnement, adaptées à leurs besoins.
Réduire l’impact environnemental en créant de la valeur
L’entreprise Braun Lighting Solutions avait besoin de petits modules nécessitant peu d’entretien et faciles à réparer pour un éclairage de ville. ETAP cherchait à développer une LED à durée de vie étendue, qui résisterait à un environnement extrême : par exemple, la corrosion due aux gaz d’échappement dans les parkings. ONA voulait un produit presque totalement recyclable, dont les composants pourraient être réutilisés. Enfin, Riva a développé des LED pour l’éclairage des entrepôts, mais aussi un nouveau modèle d’affaire : la vente d’un service d’éclairage plutôt que des produits luminaires. « L’intérêt environnemental, explique Cédric Gossart, c’est que l’entreprise est poussée à faire durer ses lampes le plus longtemps possible. C’est un moyen de lutte contre l’obsolescence. »
Moins polluantes que nos anciennes ampoules, les LED ne sont en effet pas parfaites. Elles contiennent notamment des métaux rares et dangereux, difficiles à recycler. « Aujourd’hui, quand on veut recycler l’indium et le gallium des LED, on récupère soit l’un soit l’autre. L’un des partenaires, Umicore, essaie de concevoir un moyen de les séparer. Au début du projet, on ne savait même pas si c’était possible » explique Cédric Gossart. Cela permettrait à la fois de réduire l’impact environnemental et de diminuer le risque de pénurie de ces matières premières.
Des chercheurs en sciences sociales ont assisté les PME pour que leurs innovations soient viables et pour qu’elles développent de vraies stratégies d’innovation. Trois instituts de recherche européens ont participé au projet. L’Ecodesign Centre in Wales (Royaume-Uni) a rédigé des recommandations pour le management des ressources rares tout au long du cycle de vie des produits LED. Sirris, le centre collectif de l’industrie technologique belge, a travaillé sur les modèles d’affaires appliqués à l’éco-innovation. Enfin, au sein de Télécom École de management, Cédric Gossart et son équipe (KIND) ont analysé les obstacles qui freinent l’éco-innovation en Europe et ont cherché les moyens de les surmonter.
Surmonter les obstacles à l’éco-innovation
« L’éco-innovation permet de créer de nouveaux marchés et d’améliorer l’image de l’entreprise, mais aussi de motiver les employés et d’attirer des talents extérieurs, parce qu’elle répond à un besoin sociétal de réduire les impacts écologiques. » Malgré ces avantages, de nombreux obstacles se dressent sur la route des entreprises qui voudraient se lancer dans cette démarche. En tout, Cédric Gossart et son équipe de chercheurs en ont répertorié et classé 144, non spécifiques au secteur de l’éclairage. « Nous avons ensuite demandé aux quatre PME de les évaluer. 60% ont été jugés sans objet. » Les autres ont été minutieusement analysés et le consortium a ensuite travaillé pour apporter des solutions.
Le principal obstacle inhérent aux entreprises est d’ordre technologique. Il concerne le choix du driver, équipement qui permet l’alimentation et le contrôle de la LED. « Alors qu’une LED peut durer plus de 10 ans*, le driver n’est en général garanti qu’entre trois à cinq ans et peut durer encore moins longtemps. La fragilité des drivers est une des raisons pour lesquelles la performance d’une LED peut décliner rapidement, ce qui a contribué à la mauvaise réputation des LED au moment de leur lancement. » Pour avoir des LED performantes, certaines PME ont donc décidé de fabriquer leurs drivers en interne. D’autres ont choisi de former leurs collaborateurs à identifier un bon driver. « Pour les obstacles que les PME ne pouvaient pas résoudre elles-mêmes, nous avons cherché des solutions pour les aider. » Ainsi, le consortium cycLED a sollicité l’association Lighting Europe pour mettre en place des processus de vérification des certifications des produits d’éclairage. Résultat : le 7 janvier 2015, l’association a lancé un appel pour renforcer la coopération pan-européenne et mieux surveiller le marché.
Cette analyse a aussi permis de découvrir de nouveaux obstacles à l’éco-innovation. « On s’est aperçu que l’un des instruments censés soutenir l’innovation, le brevet, pouvait en fait la bloquer. Les LED sont des technologies complexes dont la conception mobilise des champs de connaissances variés, ce qui génère des inventions brevetées par des entreprises concurrentes. » Impossible donc de concevoir la LED la plus innovante possible sans tomber dans des conflits de propriété intellectuelle. Pour contrer cette barrière, Cédric Gossart préconise « un mode de protection des connaissances plus ouvert. »
Un workshop pour comprendre comment éco-innover
Aujourd’hui, le projet cycLED entre dans une nouvelle phase. Le 11 février 2015, un open workshop est organisé à Bruxelles à l’attention de tous les acteurs du secteur de l’éclairage, mais aussi de toute entreprise intéressée par l’éco-innovation. Les PME présenteront les résultats du projet – les LED qu’elles ont éco-conçues – et expliqueront comment elles se sont lancées dans cette démarche. « S’il n’y avait pas eu ce projet européen, ces 4 PME ne se seraient probablement pas lancées dans une démarche d’éco-innovation. Maintenant, elles ont l’intention d’en faire plus. » L’idée est que ces quatre expériences, mais aussi les outils développés par les chercheurs, puissent servir à d’autres entreprises y compris dans d’autres secteurs. C’est le cas pour l’analyse des obstacles effectuées par Cédric Gossart : « Comme le projet visait aussi à aider l’ensemble de l’industrie européenne de l’éclairage à se lancer dans une démarche d’éco-innovation, nous élargissons à présent l’analyse des obstacles à l’éco-innovation à d’autres entreprises du secteur via un questionnaire en ligne. » Avec le secret espoir de voir un jour émerger le must de la LED éco-conçue : une LED à zéro impact entièrement recyclable conçue selon la méthode cradle-to-cradle (« du berceau au berceau »)…
* Soit 30 000 heures : à raison de 10 h par jour tous les jours on arrive à 10 ans minimum, plus si on s’en sert moins et que la chaleur est bien évacuée.
En savoir + sur l’open workshop “How to truly eco-innovate in the lighting industry?”
Mercredi 11 février 2015, de 09h30 à 17h00
Diamant Building, Boulevard A. Reyers 80
1030 Bruxelles
En savoir + sur le projet cycLED
Voir le blog de Cédric Gossart
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A voir : le projet cycLED en images
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