L’interférence : une source de problèmes télécommunicationnels
L’augmentation du nombre d’objets connectés va engendrer l’accroissement du phénomène d’interférences, présent depuis le début des télécommunications. Dans la dernière décennie, de plus en plus de recherches ont été menées sur ce sujet et ont conduit à revoir la façon dont les interférences sont traitées par les appareils.
« Au cours de l’histoire des télécommunications, on a observé une augmentation des quantités d’informations échangées, déclare Laurent Clavier, chercheur en télécommunication à IMT Nord Europe. Ce phénomène peut en particulier s’expliquer par une densification des réseaux », ajoute le chercheur. Cet accroissement du nombre d’informations qui circulent s’accompagne d’une hausse des interférences, ce qui constitue un problème pour le fonctionnement des réseaux.
Pour comprendre ce qu’est une interférence, il faut d’abord saisir ce qu’est un récepteur. Dans le domaine des télécommunications, un récepteur est un dispositif qui convertit un signal en informations utilisables — comme une onde électromagnétique en une voix. Parfois, des signaux non désirés perturbent le fonctionnement d’un récepteur et détériorent la communication entre plusieurs appareils. Ce phénomène est appelé interférence et le signal non désiré peut être qualifié de bruit. Il peut par exemple être à l’origine du brouillage des voix lors d’une conversation téléphonique.
L’interférence intervient lorsque plusieurs machines utilisent la même bande de fréquence au même moment. Pour éviter les interférences, les récepteurs choisissent quel signal ils conservent et quels signaux ils suppriment. Si les réseaux téléphoniques s’organisent pour éviter que deux smartphones n’interfèrent, ce n’est pas le cas de l’internet des objets dans lequel l’interférence devient critique.
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Différents types de bruits à l’origine des interférences
Avec l’essor du nombre d’appareils connectés, la quantité d’interférences va augmenter et engendrer une dégradation du réseau. En améliorant les récepteurs des machines, il serait possible d’atténuer cette détérioration. En effet, les appareils connectés sont pour la plupart dotés de récepteurs adaptés au bruit gaussien. Ces récepteurs prennent les meilleures décisions possibles tant que le signal reçu est de puissance suffisante.
En étudiant comment les interférences interviennent, les scientifiques ont compris qu’elles ne suivent pas un modèle gaussien mais un modèle impulsif. « Généralement il n’y a que très peu d’objets qui fonctionnent conjointement en même temps que le nôtre et près de notre récepteur, explique Laurent Clavier. Il y aura donc un certain nombre de faibles interférences générées par les appareils distants, et une forte interférence générée par l’appareil le plus proche : c’est ce phénomène qui caractérise l’interférence impulsive », précise-t-il.
Or, les stratégies de réception mises en place quand le bruit est gaussien n’envisagent pas la présence de ces fortes valeurs de bruit. Elles se font alors facilement tromper par les bruits impulsifs et le récepteur ne parvient plus à récupérer l’information utile. « En concevant des récepteurs capables de traiter les différents types d’interférences qui se produisent dans la réalité, le réseau sera plus robuste et en mesure d’accueillir plus d’appareils », ajoute le chercheur.
Des récepteurs qui s’adaptent
Pour qu’un récepteur soit apte à comprendre les bruits gaussiens et non gaussiens, il faut qu’il puisse déterminer dans quel environnement il se trouve. Si un appareil reçoit un signal qu’il veut décoder en même temps que le signal d’un autre appareil proche qui génère de l’interférence, alors il traitera cette interférence avec un modèle impulsif pour décoder correctement le signal utile. S’il se trouve dans un environnement dans lequel les appareils sont tous assez éloignés de lui, il analysera l’interférence avec un modèle gaussien.
Pour correctement décoder un message, le récepteur doit adapter sa règle de décision au contexte. Pour cela, Laurent Clavier indique qu’un « récepteur peut être doté de mécanismes lui permettant de calculer la confiance envers les données qu’il reçoit de façon adaptée aux propriétés du bruit. Il est alors en mesure de s’adapter aux bruits gaussiens et impulsifs ». Cette méthode, dont le chercheur se sert pour concevoir des récepteurs, évite à la machine de devoir connaître d’office l’environnement dans lequel elle se trouve.
Actuellement, les industriels se préoccupent très peu de la nature des interférences. Ils sont en revanche intéressés par les moyens disponibles pour les éviter. Autrement dit, ils ne voient pas d’intérêt à remettre en cause le modèle gaussien et à mener des études sur la façon dont se produisent les interférences. Pour Laurent Clavier, ce désintérêt serait temporaire, et « à terme nous nous rendrons compte qu’il sera nécessaire d’utiliser ce type de récepteur dans les appareils, pointe-t-il. À partir de ce moment, les ingénieurs commenceront probablement à incorporer de plus en plus ces dispositifs dans les outils qu’ils développent », espère le chercheur.
Rémy Fauvel
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