Digital Service Act : Régulation du contenu des plateformes numériques, Acte 1
Le Digital Service Act, proposé par la Commission européenne début 2020, vise à mettre en œuvre un nouveau cadre de régulation des plateformes numériques. Grazia Cecere, chercheuse en économie à Institut Mines-Télécom Business School, explique les aspects de ces régulations.
Pourquoi est-il devenu nécessaire de réguler le contenu des plateformes ?
Grazia Cecere : L’évolution des technologies a changé la place de l’internet et des plateformes. Les précédentes régulations stipulaient que les éditeurs étaient responsables de la totalité de leurs contenus, mais que les hébergeurs l’étaient seulement si un contenu signalé n’était pas traité de manière adéquate. Avec l’apparition des super plateformes et des réseaux sociaux, la place des hébergeurs a changé. Leurs algorithmes induisent une diffusion plus spécifique des contenus, à travers des classements, des référencements et une mise en avant, qui peuvent avoir des influences importantes et contenir des biais dangereux.
Quels sont les types de contenus qui doivent être mieux régulés par les plateformes numériques ?
GC: Il y a beaucoup de thématiques abordées, notamment la lutte contre le cyber-harcèlement, la désinformation et les fake news, ainsi que différents types de discriminations. Aujourd’hui les algorithmes des plateformes s’autorégulent en fonction des données disponibles et peuvent reproduire et amplifier des discriminations existantes dans la société. Par exemple, si les données analysées par l’algorithme montrent des différences de salaire entre les hommes et les femmes, alors celui-ci risque de construire des modèles en fonction de cela. Il est donc important d’identifier ce type de biais et de les corriger. La discrimination ne présente pas seulement des problèmes éthiques : celle-ci a également des répercussions économiques. Par exemple, si un algorithme conçu pour proposer un profil d’emploi est biaisé en fonction du genre d’une personne ou de sa couleur de peau, le seul critère important qui est la capacité professionnelle en sera moins lisible.
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Que propose le Digital Service Act pour que les plateformes régulent leur contenu ?
GC: Le Digital Service Act cherche à établir des règles claires sur les responsabilités qui sont associées aux plateformes numériques. Elles doivent veiller aux informations qui y sont diffusées, notamment les fake news et les contenus potentiellement néfastes. Il s’agit aussi de mieux informer les utilisateurs sur les contenus et de garantir leur droit fondamental en ligne. Les plateformes doivent également renforcer leur transparence en rendant accessibles les données sur leurs activités. Ainsi, ces données deviennent accessibles aux chercheurs qui peuvent tester si celles-ci contiennent des biais. Le Digital Service Act a pour vocation de permettre de disposer d’un univers législatif règlementaire qui soit harmonisé à travers la totalité des états membres.
Comment les plateformes peuvent-elles réguler leur propre contenu ?
GC : Un autre volet du Digital Service Act est de doter les états membres d’instruments de régulation pour leurs plateformes. Différents types d’outils peuvent être implémentés. Par exemple, un outil nommé « Fast Tracking » est en train d’être développé pour Google afin de détecter automatiquement les fausses informations concernant le Covid19. Ce type d’outil qui détermine une fausse information sur un contenu écrit peut se révéler compliqué, car cela nécessite des outils sophistiqués de traitement du langage naturel. Il y a certaines problématiques qui seront plus compliquées à réguler que d’autres.
Les plateformes numériques commencent-elles à prendre en compte le Digital Service Act ?
GC: Cela dépend des plateformes. Par exemple AirBnb et Uber donnent beaucoup de données aux chercheurs pour qu’ils puissent déterminer quels types de biais discriminatoires elles comportent. Google et Facebook donnent aussi accès à de plus en plus de données. En revanche Snapchat et Tiktok, c’est une autre affaire !
Le Digital Service Act permettra-t-il aussi de réguler le marché d’internet ?
GC: La précédente régulation, la directive e-commerce, date de l’an 2000. Avec le temps, elle est devenue obsolète. Les acteurs d’internet ne sont plus les mêmes qu’il y a vingt ans, et certains ont beaucoup plus de pouvoir. Un des défis est que le marché d’internet reste ouvert à tout le monde et que des nouvelles entreprises puissent se créer indépendamment des super plateformes pour stimuler la concurrence, car aujourd’hui, toute entreprise qui se crée dépend du monopole des grands acteurs du numérique.
Par Antonin Counillon
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