Économie circulaire, évaluation environnementale et budget écologique
Pour mettre en place une stratégie d’économie circulaire robuste et durable, il est indispensable d’en évaluer les impacts environnementaux. Valérie Laforest et Natacha Gondran, chercheuses à Mines Saint-Étienne, nous présentent l’intérêt d’intégrer une méthode d’évaluation absolue de la durabilité environnementale et le concept sous-jacent de « budget écologique ».
Les modes de vie de nos sociétés contemporaines exercent une pression constante et insoutenable sur l’équilibre de notre planète. Une stratégie proposée pour protéger les ressources de la Terre est l’économie circulaire. Le concept peut paraître simple : favoriser le recyclage et le réemploi pour limiter la consommation de matières premières. Seulement, l’évaluation des impacts environnementaux implique un grand nombre de variables et rend les choses complexes. C’est pourquoi des chercheurs travaillent à la conception de méthodes d’évaluation de ces impacts plus performantes que les outils actuels, encore insuffisants. Ils développent notamment une approche systémique, avec l’intégration de méthodes d’évaluation absolue des impacts environnementaux.
Cette problématique est au centre des travaux de Valérie Laforest et Natacha Gondran, chercheuses à Mines Saint-Étienne1, et membres du groupement d’intérêt scientifique (GIS) Évaluation environnementale des déchets, effluents, matériaux, sédiments et sols (EDEEMS). Rassemblant sept établissements régionaux, le GIS EDEEMS comporte entre autres des recherches concernant les impacts sanitaires et environnementaux de l’économie circulaire. « L’objectif est de montrer ce que nos collaborations peuvent offrir au monde économique en matière de support scientifique pour lever des verrous encore conséquents », annonce Valérie Laforest. La chercheuse, spécialisée en évaluation environnementale, se focalise alors sur les méthodes d’évaluation de ces impacts. Au cœur de cette problématique, il s’agit notamment de définir des indicateurs pour évaluer la pression exercée par l’homme sur les ressources et milieux naturels.
Une approche systémique
« Cela peut être très expérimental », indique Valérie Laforest. Au sein du GIS, « nous partons à l’échelle du laboratoire, puis montons progressivement sur une échelle pilote pour démontrer la validité de nos travaux à l’échelle industrielle ». Prenons par exemple le secteur du bâtiment et son impact sur les écosystèmes. À travers des études d’écotoxicologie ou d’évaluation des impacts environnementaux, des analyses et des suivis sont effectués depuis la source des émissions de polluants jusqu’à la cible de cette pollution. Cela en étudiant les différents transferts qui sont toutes les interactions possibles entre la source et la cible, comme les nappes phréatiques ou les sols.
Dans le cadre de l’économie circulaire, évaluer les éléments « source » de la pollution nécessite une caractérisation rigoureuse des matières issues du recyclage. Au-delà de la composition propre des matières recyclées, leur réactivité doit aussi être étudiée, par exemple, avec des essais de biodégradation pour des sources de pollutions organiques. Ces indicateurs sont essentiels pour évaluer plus précisément les différentes pressions sur les écosystèmes.
« Il y a aujourd’hui un intérêt grandissant pour les recherches sur les limites planétaires. L’idée est de mettre ces travaux en regard des impacts générés par les systèmes de production, par ce qu’on appelle des méthodes d’évaluation absolue de la durabilité environnementale », précise Valérie Laforest. Notre Terre a un nombre limité de ressources mais aussi une capacité de charge limitée. Il faut alors prendre en compte l’intégralité des impacts, positifs et négatifs, et cela, sur l’ensemble des secteurs. La chercheuse ajoute que pour mettre en œuvre une économie circulaire durable, il est nécessaire d’avoir « des méthodes robustes et transparentes permettant d’agir en connaissance des conséquences avec une parfaite maîtrise des risques ».
Le budget écologique
« Il est essentiel d’intégrer une approche systémique afin de normaliser des indicateurs pour l’évaluation des impacts environnementaux », soutient Valérie Laforest. Et in fine se rendre compte de l’impact des activités anthropiques par rapport à la capacité de notre planète à les absorber. Pour ne pas dépasser cette capacité, l’idée peut être de définir un « budget écologique ». « Nous essayons de répartir la capacité d’absorption de la planète par type d’activité, en fonction de ses besoins et de ses apports », explique Valérie Laforest. « Imaginez attribuer à chaque secteur d’activité une partie des émissions qui pourraient être assimilées par la planète sans trop perturber les équilibres naturels ».
Mais répartir le budget total de la planète sur les différentes activités de notre société pose différentes questions scientifiques, mais également éthiques, voire politiques. De plus, il faudrait pouvoir au sein d’un même secteur répartir le budget écologique total entre les différentes enseignes, ou entreprises, pour voir ce qu’elles consomment en fonction du budget disponible. « Dans le cadre du doctorat d’Anastasia Wolff, nous avons, en adaptant des modèles existants, testé ces méthodes pour la branche agro-alimentaire d’un grand groupe de la distribution. Sur certains indicateurs, comme le changement climatique, ils dépassaient déjà le budget alloué. Donc rien que pour se nourrir, cette enseigne et ses clients dépassaient les budgets écologiques pouvant leur être alloués », précise Natacha Gondran.
Les travaux de l’équipe de Valérie Laforest et Natacha Gondran se focalisent alors sur le choix des indicateurs pertinents, la définition et l’attribution de ce budget écologique à un secteur d’activité et l’évaluation de la consommation et de la contribution d’un secteur donné à ce budget. Et cela représente un travail colossal. Cette approche globale a aussi pour but de faire prendre conscience de l’ampleur des problématiques pour cibler les points à travailler pour réduire efficacement l’impact environnemental.
D’autres dimensions sont essentielles pour mettre en œuvre une économie circulaire durable. « La participation et l’intégration des acteurs locaux dans le processus est indispensable. C’est un facteur clé de réussite », insiste Valérie Laforest. Si les chercheurs développent de bons outils, il est néanmoins indispensable de travailler avec les acteurs de la fonction territoriale pour appréhender et mettre en place le processus. « Au sein de l’IMT, l’économie circulaire est une des actions prioritaires de la thématique Énergie renouvelable et ressource. En outre, l’IMT est au cœur de nombreux projets au sein des différentes écoles. De plus, des plateformes sont soutenues par l’IMT, telles que la Plateforme Territoire de Mines Saint-Étienne qui vise notamment à aider les acteurs du territoire à visualiser les informations dans une représentation spatiale, et cibler les enjeux prioritaires », conclut Valérie Laforest.
1 Valérie Laforest et Natacha Gondran effectuent leurs recherches dans le cadre du laboratoire Environnement, Ville, Société, unité mixte de recherche CNRS rassemblant 7 composantes dont Mines Saint-Étienne.
Tiphaine Claveau
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