Power-to-gas, quand l’hydrogène électrise la recherche

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L’hydrogène est présenté comme un vecteur énergétique d’avenir. Dans un système power-to-gas, il sert d’intermédiaire à la transformation d’électricité en méthane de synthèse. Une solution énergétique dont la réussite dépend fortement de son coût de production. Dans ce cadre, les chercheurs de l’IMT s’attellent à l’optimisation des différents procédés pour un power-to-gas plus compétitif.

 

Augmenter la production d’énergie renouvelable et réduire les émissions de gaz à effets de serre. Et si la solution à ces deux ambitions provenait d’une même technologie : le power-to-gas. Autrement dit, la conversion d’électricité en gaz. Quel est l’intérêt ? Cette méthode permet le stockage du surplus d’électricité produit par des sources renouvelables intermittentes qui ne peut pas être injecté sur les réseaux. L’énergie électrique sert alors à produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau. Le gaz peut ensuite être consommé sur place, stocké, ou bien servir à l’alimentation de véhicules à hydrogène. Mais ces applications sont encore limitées. C’est pourquoi il est intéressant de le transformer en d’autres produits utiles comme le méthane (CH4) qui alimente les réseaux de gaz naturels. Quel est le potentiel de cette technologie ?

Coût dur pour l’hydrogène ?

« La problématique centrale au développement du power-to-gas aujourd’hui est son coût, atteste Rodrigo Rivera Tinoco, chercheur en modélisation des systèmes énergétiques à Mines ParisTech. Si on prend en compte le coût de production de l’hydrogène par un électrolyseur basse température (PEM) – c’est-à-dire la technologie envisagée au sein des installations power-to-gas – alors un réacteur à hydrogène de 1 GW (puissance quasi-équivalente d’un réacteur nucléaire) coûterait aujourd’hui 3 milliards d’euros. » Pour rappel, le gouvernement français a alloué en septembre dernier un budget de 7 milliards d’euros d’aide au développement de la filière nationale hydrogène. Une réduction du coût de production de ce gaz s’impose donc. D’autant plus que les technologies power-to-gas sont vouées à concurrencer les autres modes énergétiques du marché.

La France souhaite atteindre un coût de 50 € le mégawatt-heure en 2030. Sachant qu’une technologie à bas coût mais ayant une courte durée de vie ne serait pas adaptée. « Pour être rentables, les systèmes doivent avoir une garantie de fonctionnement d’au moins 60 000 à 90 000 heures », ajoute Rodrigo Rivera Tinoco. Actuellement, les électrolyseurs basse température (PEM) auraient une durée de fonctionnement comprise entre 30 000 et 40 000 heures. C’est là que la recherche entre en jeu. Son objectif : optimiser l’efficacité énergétique de technologie à bas coût.

Quelle technologie pour quelle utilisation ?

L’approche par modélisation numérique permet d’identifier les points forts et faibles des technologies en amont de leur installation. « Nous réalisons des études technico-économiques sur les différents procédés d’électrolyse de l’eau dans le but de grignoter en rendement et de réduire leur coût », présente Chakib Bouallou, expert en modélisation numérique et stockage d’énergie à Mines ParisTech. Plusieurs technologies existent, mais laquelle est la plus adaptée au stockage des énergies renouvelables ? À l’échelle industrielle, les électrolyseurs basse température sont matures et semblent répondre à l’intermittence de ces sources énergétiques.

Cependant, en phase d’évaluation, aucune technologie n’est écartée. Dans le cadre du projet ANR MCEC et en collaboration avec Chimie ParisTech, l’équipe de Chakib Bouallou travaille actuellement sur une solution à base de carbonates fondus qui s’appuie sur la coélectrolyse de l’eau et du CO2. « À partir des courbes de performance des matériaux en fonction du courant, nous estimons l’efficacité  des systèmes au cours de différents scénarios d’utilisation. L’analyse globale de cette technologie sera ensuite comparée aux autres techniques existantes », résume le chercheur. En effet, l’adaptabilité d’un système dépendra avant tout de l’usage envisagé. Pour compléter ces études, des expérimentations sont cependant incontournables.

Minerve : un démonstrateur à destination de la recherche

Afin d’accroître les connaissances nécessaires à la transition vers le power-to-gas, le démonstrateur Minerve a été installé en 2018 sur le campus de la Chantrerie au nord de Nantes. « La plateforme est avant tout un outil de recherche qui répond à des besoins d’expérimentation et de collecte de données. Les résultats doivent aider le développement de modèles de simulation des technologies du power-to-gas », explique Pascaline Pré, chercheuse en génie des procédés à IMT Atlantique. Équipée de panneaux solaires et d’une éolienne, Minerve dispose également d’un électrolyseur dédié à la production d’hydrogène converti, avec du CO2 en bouteille, en méthane. Celui-ci est ensuite redistribué vers une station de distribution de carburant gaz naturel véhicule (GNV) pour la mobilité. La prochaine étape consiste désormais à intégrer une technologie de captage du CO2 des fumées de combustion des chaudières du réseau de chaleur du site afin de remplacer l’approvisionnement en bouteilles.

Le dioxyde de carbone est très stable dans l’air. Le transformer en produits utiles est par conséquent difficile. L’équipe de Pascaline Pré développe un nouveau procédé pour capter ce gaz par absorption à l’aide d’un solvant. Le gaz récupéré est purifié, séché, comprimé et envoyé vers le méthaneur. Toutefois, quelques verrous doivent être levés dans le but d’optimiser cette approche : « La régénération du solvant est très consommatrice de chaleur. Il serait possible d’améliorer l’efficacité énergétique du dispositif en développant un système électrifié de chauffage par micro-onde », explique la chercheuse. Ce concept réduirait également la taille des structures nécessaires à ce procédé en vue d’une future installation industrielle.

À plus long terme, Minerve devrait également servir de support à l’étude de nombreuses problématiques du projet Carnot HyTrend qui rassemble une partie de la communauté scientifique française autour de l’hydrogène. D’ici trois ans, des premières recommandations sur les différentes technologies (électrolyse, méthanation, captage CO2…) devraient être publiées pour améliorer l’existant, ainsi que des études sur les risques et les impacts environnementaux du power-to-gas.

Quid du power-to-gas-to-power ?

Il est possible d’aller au-delà des techniques de power-to-gas actuelles en ajoutant une étape d’oxycombustion. Dans le cadre du projet ANR FluidStory, l’équipe de Chakib Bouallou s’est concentrée sur la modélisation d’un dispositif s’appuyant sur trois technologies de pointe : l’électrolyse PEM à basse température, la méthanisation (permettant le stockage d’électricité sous forme de gaz) et des centrales à oxycombustion pour les étapes de déstockage. Les deux premières étapes sont donc les mêmes que dans une infrastructure classique de power-to-gas mentionnée précédemment. La différence ici est que l’oxygène et le CH4 obtenus respectivement par électrolyse de l’eau et méthanation sont stockés en cavernes pour une durée indéterminée. Ainsi, quand le prix de l’électricité est à la hausse, le procédé d’oxycombustion réutilise ces gaz pour produire de l’électricité. Le CO2 également émis lors de cette réaction sera réutilisé par le procédé de méthanation au cours du cycle suivant.

Cette conception en cycle fermé permet donc un fonctionnement autonome en ce qui concerne les réactifs requis, ce qui n’est pas possible dans des structures de power-to-gas classiques. Toutefois, des analyses visant à mieux comprendre sa mécanique et la nature des interactions entre ses composants doivent encore être menées.

Une ouverture sur le power-to-X

La méthanation au cœur des procédés mentionnés jusqu’à présent n’est qu’un exemple parmi d’autres de transformation de l’hydrogène au contact du CO2. En effet, ces réactions, dites d’hydrogénation, servent à la synthèse de nombreux produits chimiques habituellement obtenus à partir de ressources fossiles. À IMT Mines Albi, l’équipe de Doan Pham Minh travaille sur l’optimisation de ces procédés. En plus de la production de méthane, les chercheurs ciblent la synthèse de biocarburants liquides, de méthanol, d’éthanol ou encore d’autres produits chimiques à base de carbone. Tous ces composés « X » sont donc obtenus à partir d’hydrogène et de CO2. Deux facteurs déterminent alors la nature du résultat : les conditions opératoires (température, pression, temps de séjour, etc.) et le catalyseur utilisé. « C’est lui qui conduit la réaction vers un produit cible. Ainsi, en développant des matériaux catalytiques actifs, sélectifs et stables, nous améliorerons les rendements de la synthèse du produit souhaité », explique le chercheur.

Le méthanol intéresse particulièrement l’industrie. En effet, ce composé est omniprésent autour de nous et est notamment utilisé pour les matériaux de surface des meubles, au sein de peintures, des plastiques des voitures, etc. Il en est de même pour l’éthanol, les biocarburants ou des intermédiaires chimiques d’origine renouvelable. Au-delà du rôle de l’hydrogène pour le mix énergétique national, le chercheur insiste donc sur son utilisation par d’autres secteurs fortement consommateurs : « il est très utilisé par l’industrie chimique et il faut être prêt à développer des procédés compétitifs et performants en anticipant les futures utilisations de l’hydrogène et du power-to-X. »

 

Par Anaïs Culot.

 

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