Quèsaco la batterie lithium-ion ?

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La batterie lithium-ion est un best-seller des dernières décennies en microélectronique. Elle est présente dans la majorité des appareils de notre quotidien, de nos téléphones portables aux voitures électriques. Le prix Nobel de chimie 2019 attribué à John Goodenough, Stanley Wittingham, et Akira Yoshino récompense les premiers travaux qui ont permis sa mise au point. Dans ce nouvel épisode de notre série « Quèsaco ? », Thierry Djenizian nous explique le succès de ce composant. Chercheur à Mines Saint-Étienne en microélectronique, il contribue notamment au développement de nouvelles générations de batteries lithium-ion.

 

Pourquoi la batterie lithium-ion est-elle tant utilisée ?

Thierry Djenizian : Elle offre un très bon équilibre entre stockage et puissance. Pour comprendre, imaginez deux récipients : un verre, et une grosse bonbonne avec un petit goulot. Le verre contient peu d’eau, mais peut se vider très rapidement. La bonbonne contient beaucoup d’eau, mais il faudra du temps pour la vider. Les électrons dans une batterie se comportent comme l’eau dans les flacons. Le verre représente une batterie à grande puissance mais à faible capacité de stockage, et la bonbonne une batterie à grande capacité de stockage mais faible puissance. Pour simplifier : la batterie lithium-ion est comme une bonbonne, mais avec un goulot large.

Comment fonctionne une batterie lithium-ion ?

TD : La batterie est constituée de deux électrodes séparées par un liquide appelé électrolyte. Une des deux électrodes est un alliage comportant du lithium. Lorsque vous branchez un appareil à une batterie chargée, le lithium va spontanément s’oxyder et libérer des électrons — c’est l’élément chimique qui en libère le plus facilement. Le courant électrique est produit par les électrons qui vont circuler entre les deux électrodes à travers un circuit électrique, alors que les ions lithium issus de la réaction d’oxydation vont migrer à travers l’électrolyte pour s’insérer dans la deuxième électrode.

Les ions lithium vont ainsi être stockés jusqu’à ce qu’ils n’aient plus de place disponible ou que la première électrode ait libéré tous ses atomes de lithium. La batterie est alors déchargée, et il suffit d’appliquer un courant pour forcer les réactions chimiques inverses et obliger les ions à migrer dans l’autre sens pour retrouver leur position initiale. C’est le propre de la technologie lithium-ion : les ions lithium s’insèrent et s’extraient des électrodes de manière réversible selon que la batterie se charge ou se décharge.

Quelles ont été les grandes étapes du développement de la batterie lithium-ion ?

TD : Wittingham a découvert un matériau à haut potentiel composé de titane et de soufre capable de réagir avec le lithium de manière réversible, puis Goodenough a proposé d’utiliser des alliages métalliques. Pour sa part, Yoshino a commercialisé la première batterie lithium-ion en utilisant du graphite et un oxyde métallique comme électrodes, ce qui a considérablement allégé la masse des batteries.

Aujourd’hui, quels sont les enjeux scientifiques autour de la technologie lithium-ion ?

TD : L’une des grandes tendances est de remplacer l’électrolyte liquide par un électrolyte solide. Il est en effet préférable d’éviter la présence de liquide inflammable présentant de plus des risques de fuite notamment dans les dispositifs électroniques. Si le conteneur se perce, cela peut avoir des conséquences irréversibles sur les composants alentours. C’est particulièrement vrai sur les capteurs utilisés dans des applications médicales au contact de la peau. Récemment par exemple, nous avons mis au point avec des collègues d’IMT Atlantique une lentille oculaire connectée. La batterie lithium-ion utilisée comportait un électrolyte solide à base de polymère car il est inenvisageable que l’électrolyte se retrouve au contact de l’œil en cas de problème. Les électrolytes solides ne sont pas nouveaux. Ce qui l’est, c’est l’effort de recherche qui se développe dessus pour arriver à les optimiser et les rendre compatibles avec ce qui est attendu des batteries lithium-ion aujourd’hui.

Cherche-t-on déjà à remplacer la batterie lithium-ion ?

TD : Une autre tendance prometteuse consiste à remplacer le lithium par du sodium. Les deux éléments appartiennent à la même famille et ont des propriétés très proches. La différence, c’est que le lithium est extrait de mines à un coût environnemental et social très élevé. Les ressources en lithium sont limitées. Bien que les batteries lithium-ion permettent de diminuer le recours aux énergies fossiles, si cela se fait au prix d’autres catastrophes environnementales liées à son extraction, alors l’intérêt devient limité. Le sodium est naturellement présent dans le sel de mer. C’est donc un stock illimité avec une extraction considérablement moins impactante.

Sait-on déjà faire mieux que la batterie lithium-ion pour certains usages ?

TD : C’est difficile de répondre. Il faut adopter un changement de logique dans notre rapport à l’énergie. Nous avions pour habitude de tout résoudre avec l’énergie thermique. On ne peut pas reproduire la même logique avec les batteries électriques. Par exemple, aujourd’hui nous utilisons des piles-boutons lithium-ion pour les horloges internes de nos ordinateurs. Pour cet usage de très faible consommation, une pile-bouton a une durée de vie de plusieurs centaines d’année, alors que l’ordinateur sera probablement changé en dix ans. Une pile de 1 millimètre carré pourrait suffire. Il faut déjà dimensionner les dispositifs de stockage d’énergie en fonction de nos besoins.

À lire sur I’MTech : Vers une nouvelle génération de batteries au lithium ?

Il faut également comprendre les caractéristiques dont nous avons besoin. Pour certains usages, la batterie lithium-ion sera la plus appropriée. Pour d’autres, une pile avec une meilleure capacité de stockage mais une puissance bien plus faible sera peut-être plus adaptée. Pour d’autres encore, ce sera l’inverse. Quand vous utilisez une perceuse par exemple, vous ne mettez pas quatre heures pour percer un trou, et vous n’avez pas besoin non plus d’une batterie qui tienne plusieurs jours avant d’être rechargée. Vous voulez beaucoup de puissance, sans vouloir pour autant beaucoup d’autonomie. « Faire mieux » que la batterie lithium-ion, c’est donc peut-être simplement faire différemment.

Que vous évoque l’attribution du prix Nobel à une technologie qui est au cœur de vos recherches ?

TD :  Ce sont des noms que nous citons souvent dans nos publications scientifiques, car ce sont les pionniers des technologies sur lesquelles nous travaillons. Mais au-delà, ça fait surtout très plaisir de voir un prix Nobel attribué à des travaux qui parlent au grand public. Tout le monde utilise des batteries lithium-ion au quotidien, et les gens sont conscients de l’importance de cette technologie. C’est agréable de savoir que ce prix Nobel de chimie est compris par le plus grand nombre.

 

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