Quand l’optique aide à mieux comprendre les vagues scélérates

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vagues scélérates

Les vagues scélérates sont des vagues puissantes surgissant brutalement. Elles sont rares mais destructrices. Et surtout imprévisibles. Étonnamment, c’est en étudiant des phénomènes similaires sur des lasers dans des fibres optiques que les chercheurs ont pu mieux comprendre ces vagues si fascinantes.

 

Les vagues scélérates ont longtemps été considérées comme des légendes, jusqu’à ce que les scientifiques en observent quelques-unes et les mesurent . Elles peuvent atteindre une hauteur de 30 mètres, formant un véritable mur d’eau devant les navires. L’explorateur français Dumont D’Urville en a rencontré dans l’hémisphère sud. Plus récemment, en 1995, le commandant du paquebot transatlantique Queen Elizabeth II a décrit une vague comme « un mur d’eau solide », ajoutant qu’il avait eu l’impression de faire route « droit sur les falaises de Douvres ». Ces vagues seraient aussi une des causes majeures de perte de containers en mer.

Idée de génie

Mais leur rareté et le caractère imprévisible rendent ces vagues mystérieuses très difficiles à étudier, et quasi impossibles à prédire. Des essais ont bien été menés dans des bassins spécialement construits pour l’occasion, mais les vagues sont alors bien plus petites, peu représentatives de la réalité. Et les modèles théoriques restent peu précis.

Mais en 2007, Daniel Solli et son équipe de l’université de Californie ont une idée de génie : comparer la propagation des vagues et celle des impulsions lumineuses dans des fibres optiques. En effet, les vagues comme les impulsions lumineuses sont des ondes, obéissant aux mêmes lois physiques. Et il est bien plus facile d’étudier les impulsions lumineuses, car on contrôle facilement tous les paramètres : longueur d’onde, intensité, type de fibre utilisée… De plus, on peut étudier des milliers d’impulsions par seconde, par conséquent même les évènements rares deviennent observables.

Temps réel

Aujourd’hui, un groupe de chercheurs incluant Arnaud Mussot d’IMT Lille Douai publie un article sur ce sujet dans la revue Nature Physics, dressant un état des lieux des recherches sur les analogies entre l’océanographie et l’optique pour mieux comprendre les vagues scélérates.

« De nombreuses expériences ont pu être menées en optique, expose Arnaud Mussot. Concrètement, nous envoyons des impulsions laser dans des fibres optiques, et nous analysons l’allure des impulsions en sortie de fibre. Ces observations ont lieu en temps réel, sur des durées incroyablement brèves : quelques dizaines de femtosecondes, soit bien moins qu’un milliardième de milliseconde. »

Ces expériences montrent qu’il existe plusieurs manières de créer des vagues scélérates. L’une des plus efficaces est de faire se percuter plusieurs vagues. Mais seules les collisions de vagues avec certains angles, certaines directions et certaines amplitudes engendrent ces phénomènes de vagues scélérates. Ces expériences ne permettent cependant pas de tout comprendre, puisque certaines vagues scélérates encore plus puissantes, prédites par les théoriciens, n’ont pas encore été observées.

Prédire les vagues scélérates

A terme, mieux comprendre les vagues scélérates devrait permettre de mieux les prévoir, et donc d’éviter certains accidents. « Des sociétés développent aujourd’hui des radars permettant de cartographier l’état de la mer, et que l‘on  peut emmener sur un bateau, indique Arnaud Mussot. Ces données sont envoyées dans un programme de calcul, qui prédit ce qui se passe en mer dans les minutes à venir. Le navire peut alors modifier sa trajectoire pour éviter la vague scélérate ou atténuer ses effets. Plus on améliorera nos connaissances et nos calculs, plus on pourra prévoir ces vagues en avance. »

Ces travaux ont également des retombées dans d’autres domaines, notamment en optique. Ils permettent de mieux comprendre le démarrage des lasers de puissance, ou encore certaines taches formées par les lasers dont les caractéristiques varient lorsque la puissance du laser augmente.

Article écrit par Cécile Michaut, pour I’MTech.

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