Data-mobilité ou l’art de modéliser le déplacement
La grande grève des cheminots du printemps 2018 a transformé les habitudes de déplacement des Français, surtout en Île-de-France. Vincent Gauthier, chercheur à Télécom SudParis, s’attèle à comprendre les trajectoires franciliennes, mais aussi mondiales, grâce à leurs données mobiles.
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La version originale de cet article a été publiée sur le site de Télécom SudParis.
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Des millions de franciliens connaissent et vivent chaque jour ce dicton : « métro-boulot-dodo ». S’il semble universel pour tous les habitants d’Île-de-France, il est en réalité sujet à des variations individuelles. Quand certains empruntent uniquement les transports en commun sur un des deux réseaux principaux, RATP ou SNCF, d’autres préfèrent prendre la voiture. Il existe aussi ceux qui passent du métro au RER, voire même de la voiture au train en cours de route. Pour le savoir, il suffit d’analyser leurs données mobiles. Vincent Gauthier, maître de conférences à Télécom SudParis, en a fait l’une de ses spécialités.
Comprendre la mobilité grâce aux réseaux mobiles
Établir la trajectoire d’une personne à partir de ses données mobiles, fournies par son opérateur, n’est pas si facile. « Un téléphone ne transmet la position GPS d’une personne qu’aux applications qui le demandent, comme Waze », explique Vincent Gauthier. « La seule chose qu’un opérateur peut savoir pour géolocaliser une personne, c’est à quelles stations de base elle s’est connectée au cours de son déplacement ».
Le réseau de téléphonie français, partagé entre différents opérateurs comme Orange, SFR ou Bouygues, se présente sous la forme d’un quadrillage irrégulier (voir Fig. 3). Les différents relais, ou stations de base, permettent la connexion au réseau suivant des zones bien définies. Si une personne sort d’une zone, elle se retrouve automatiquement dans une autre : son téléphone se connecte alors à la nouvelle station de base correspondante. La taille de ces zones varie selon les régions. En Île-de-France, Paris concentre un grand nombre de stations de base, collées les unes aux autres, tandis qu’en Seine-et-Marne, leur nombre est beaucoup plus réduit.
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Les informations ainsi produites permettent seulement d’établir des matrices d’origine-destination plus ou moins fines. Expert de la représentation graphique de grand volume de données (Fig. 2), Vincent Gauthier souhaite pousser l’analyse plus loin : « comment une personne se déplace ? Pourquoi ? Où est-ce qu’elle habite ? Combien d’autres personnes font les mêmes trajets ? Répondre à ces questions permettra d’optimiser les options possibles en terme de mobilité ».
Pour reproduire précisément la trajectoire d’une personne à partir de ces informations peu précises, ce dernier a travaillé sur une nouvelle méthode avec un autre chercheur de Télécom SudParis, Mounim El Yacoubi (équipe ARMEDIA – département EPH).
De l’optimisation des transports à la géo-démographie
« Avec Mounim, nous avons breveté une méthode de traitement automatique des trajectoires, qui permet de savoir quels types de transport une personne a pris lors de son déplacement », indique Vincent Gauthier. Grâce à leur « Procédé d’estimation de la trajectoire par utilisation des données mobiles », les deux chercheurs sont capables de superposer les différents réseaux de transport aux informations fournies par les stations de base aux opérateurs (Fig. 1). « Pour reconnaître la séquence de route ou de chemin de fer la plus probable empruntée par l’utilisateur en fonction de sa trajectoire, nous devons faire appel à une énorme base de données, comprenant les positions des stations de base, des gares et les cartes des différents réseaux de transport ». Ils travaillent actuellement avec Bouygues sur la construction de trajectoires en « quasi-temps réel ».
Les deux chercheurs s’appuient pour cela sur leurs précédentes études socio-démographiques, menées notamment à Milan et en Afrique. « Nous avons participé à l’estimation de densité de populations en Côte d’Ivoire et au Sénégal », détaille Vincent Gauthier. « Le but était de fournir des données socio-démographiques qui manquent à ces pays, afin que l’ONU puisse établir des statistiques plus fiables ».
Au-delà de la simple modélisation de big data, l’expertise de Vincent Gauthier amène à repenser la géographie de nos territoires : « par l’analyse des déplacement des personnes et, ainsi, l’optimisation des transports en fonction, nous pourrions peut-être partitionner l’Île-de-France en sous-espaces plus adéquats ».
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