Les particules fines sont dangereuses, pas seulement pendant les pics de pollution
Véronique Riffault, IMT Lille Douai – Institut Mines-Télécom et François Mathé, IMT Lille Douai – Institut Mines-Télécom
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[dropcap]L[/dropcap]’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a produit hier un nouvel avis sur la pollution de l’air. Sollicitée sur une évolution potentielle des normes de qualité de l’air ambiant, notamment pour les particules fines (PM10 et PM2,5), elle a insisté sur l’importance de poursuivre les efforts dans la mise en œuvre de politiques publiques de long terme en faveur de l’amélioration de la qualité de l’air. Elle préconise d’abaisser la valeur seuil annuelle pour les PM2,5 au niveau des recommandations OMS, et d’introduire une valeur seuil journalière pour ce polluant. Comme le montre cette data visualisation, le problème se pose partout en Europe.
Concentrations moyennes pour l’année 2012 en matières particulaires dont le diamètre aérodynamique est inférieur à 2,5 micromètres (appelées « PM2,5 » et qui constituent les « particules fines » avec les PM10). Les valeurs sont calculées à partir des mesures de stations fixes de surveillance de la qualité de l’air, en microgrammes par m3 d’air. Source des données : AirBase.
Le niveau atteint lors des pics est indiqué en pointant sur un cercle donné, dont la taille varie avec la valeur. La moyenne annuelle est également mentionnée, traduisant l’exposition sur le long terme et ayant par conséquent un impact avéré sur la santé (notamment sur le système respiratoire et cardio-vasculaire). Il convient de rappeler que la valeur cible annuelle pour les particules (PM2,5) fixée par la législation européenne est actuellement de 25 μg/m3. Elle passera à 20 μg/m3 en 2020 alors que l’OMS recommande dès à présent un seuil annuel à 10 μg/m3.
Les données sélectionnées pour cette carte correspondent exclusivement à une typologie de sites dits « de fond » aussi bien en milieu rural qu’en milieu urbain, c’est-à-dire loin de toute influence de pollution à proximité (trafic, industrie). Par ailleurs, AirBase collecte les données fournies par les États membres qui doivent utiliser des méthodes de mesure, variables selon les sites mais respectant des objectifs de qualité des données, spécifiques selon le polluant (90% des données pour les PM2,5 sur l’année sont validées, avec une incertitude de ± 25%). Ceci explique peut-être que certaines régions sont peu ou pas renseignées (Biélorussie, Ukraine, Bosnie-Herzégovine ou Grèce), sachant qu’une seule station ne peut pas être représentative de la qualité de l’air à l’échelle d’un pays (cas de la Macédoine).
Les PM2,5 représentées ici peuvent être émises directement dans l’atmosphère (on parle de particules primaires) ou formées par des réactions chimiques de polluants gazeux dans l’atmosphère (particules secondaires). La formation secondaire des PM2,5 est souvent à l’origine de pics de pollution à certaines périodes de l’année, lorsque les sources de polluants sont plus importantes et dans des conditions météorologiques dans lesquelles ils peuvent s’accumuler. Ces sources provenant des activités humaines sont principalement liées aux processus de combustion (tels que les moteurs de véhicules ou la combustion de la biomasse ou du charbon pour le chauffage résidentiel) et aux activités agricoles.
La carte proposée ci-dessus montre que le seuil de l’OMS est dépassé sur une large majorité de stations, notamment en Europe centrale (Slovaquie, sud de la Pologne) en raison des moyens de chauffage, ou dans le nord de l’Italie (vallée du Pô) affecté par des conditions topographiques et météorologiques défavorables.
Actuellement, la part des stations dont les mesures respectent les recommandations de l’OMS pour les PM2,5 (en vert foncé sur la carte) n’est que de 1,16 % ! Et celle pour laquelle ces valeurs sont déjà dans les futures limites européennes de 2020 (cercles verts et orange) est de 13,6 %.
Ceci illustre qu’une large partie de la population européenne est exposée à des concentrations néfastes en termes d’impact sanitaire et que des efforts importants restent à mener. Par ailleurs, si la concentration massique des particules en suspension est un bon indicateur de la qualité de l’air, il ne faut pas oublier leur composition chimique dont la connaissance, notamment en temps réel, est un enjeu actuel pour les spécialistes de la santé et les décideurs politiques.
Véronique Riffault, Professeure en sciences de l’atmosphère, IMT Lille Douai – Institut Mines-Télécom et François Mathé, Enseignant-chercheur, président de la Commission de Normalisation AFNOR X43D « atmosphères ambiantes », chargé d’études au LCSQA (Laboratoire Central de Surveillance de la Qualité de l’Air), IMT Lille Douai – Institut Mines-Télécom
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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