Recherche et impact économique : « être intelligent ensemble »

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Godefroy Beauvallet, Innovation, Economics

Quels sont les liens entre la recherche académique et la sphère économique aujourd’hui ? La frontière entre recherche appliquée et fondamentale a-t-elle encore du sens dans un monde où la notion même de collaboration est revisitée ? Godefroy Beauvallet, directeur de l’innovation à l’IMT et vice-président du Conseil national du numérique nous donne des éléments de réponse. Lors des rencontres numériques de l’Agence nationale de la recherche (ANR) du 17 novembre, il a remis le prix Impact économique au projet Trimaran, associant Orange, l’Institut Paul-Langevin, Atos, mais aussi Télécom Bretagne, dans un consortium qui a su tisser le lien entre deux mondes souvent opposés à tort.

 

Parler d’impact économique pour une recherche, qu’est ce que cela veut dire ?

Godefroy Beauvallet : Lorsque nous parlons d’impact économique, nous pensons à des recherches qui apportent une « disruption »,  des travaux qui transforment fortement un secteur en améliorant massivement un service et un produit, ou la productivité de leur élaboration. Ce sont des recherches qui ont des retombées sur des marchés touchant potentiellement des millions d’utilisateurs, pas seulement quelques dizaines, et qui ont ainsi un impact direct sur nos quotidiens.

 

Est-il nécessaire aujourd’hui d’intégrer cette notion d’impact économique à la recherche ?

GB : Le rôle des institutions de recherche est d’explorer le réel et de le décrire. Et pour montrer qu’ils le comprennent, l’impact économique de leurs travaux est un bon témoin. Il ne s’agit pas d’une boussole, mais d’une aune – il y en a d’autres – à laquelle nous voyons si notre apport à la compréhension du monde contribue à le changer, ou pas. Pour nous à l’IMT, c’est une mission essentielle, puisque nous sommes sous la tutelle du ministère de l’Économie. Mais elle ne se substitue pas à la recherche fondamentale, car c’est en comprenant les aspects fondamentaux d’un domaine que nous réussissons à avoir un impact économique. Le projet Trimaran, primé ex æquo lors des rencontres numériques de l’ANR, l’illustre bien, en associant des recherches fondamentales sur le retournement temporel et des enjeux de sobriété énergétique des réseaux de télécommunication, à travers le design d’antennes très sophistiquées.

 

Pour vous, la recherche appliquée et la recherche fondamentale ne sont donc pas deux mondes séparés ?

GB : Vouloir un peu d’impact économique éloigne de la recherche fondamentale, mais en vouloir beaucoup oblige à s’en rapprocher, car un contenu technologique fort passe par la compréhension profonde des phénomènes à l’œuvre. Si l’objectif, c’est la « disruption », il faut être très bon sur les aspects fondamentaux, voire en découvrir de nouveaux. Donc il faut rechercher la dialectique dans un environnement où les tensions sont permanentes entre une valorisation des travaux pour des retombées à moyen terme, et un exercice qui relève bel et bien de la recherche fondamentale.

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« Si l’objectif c’est la disruption, il faut être bon sur les aspects fondamentaux »

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Pour autant, il arrive que certaines défiances persistent dans le monde académique lorsqu’il s’agit de se rapprocher de la sphère économique.

GB : Aujourd’hui, tout le monde a le mot innovation à la bouche. C’est formidable : c’est la preuve que le monde entier est enfin persuadé que la recherche peut lui être utile ! Il faut accueillir ce souhait d’interaction de manière positive, même quand il nous bouscule, et sans céder sur l’identité des chercheurs, qui n’ont pas à se transformer en ingénieurs appliqués. Cela demande d’inventer de nouveaux modes de collaboration qui conviennent aux deux côtés, mais ne pas participer à cette élaboration reviendrait à accepter de se faire imposer un modèle de l’extérieur. Or il n’y a pas mieux placés que les chercheurs pour savoir comment faire, et c’est précisément pour cela qu’ils doivent investir ces zones de collaborations. Donc oui, cette réticence existe. Mais elle n’existe que là où on n’a pas été assez intelligents ensemble.

 

Réussir à avoir un large impact économique, trouver la disruption, cela passe inévitablement par un dialogue entre la recherche et l’entreprise ?

GB : Oui, mais ce qui est appelé « collaboration » ou « dialogue » peut prendre différentes formes. C’est le crowdsourcing de l’innovation pour explorer avec plus de regards et plus d’ouverture les problèmes à résoudre. C’est aussi la « startupisation » du monde, avec des entreprises qui se créent spécifiquement pour explorer des couples technologie-marché. Et puis c’est également des grandes entreprises qui repensent leur rôle de leader en entretenant un écosystème qui revisite la frontière entre ce qui est à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise. Les deux sphères cherchent de nouveaux moyens de faire des choses en commun qui ne reposent pas sur le fait de se ressembler plus, mais d’accueillir la différence. Ils ont recours à des outils qui proposent des intégrations beaucoup plus rapides, avec l’idée qu’il y a des courts-circuits possibles pour travailler de façon plus efficace. Cela décline dans notre domaine une transformation plus globale de la notion même de collaboration, qui caractérise notre époque – notamment du fait de l’essor du numérique.

À lire sur le blog : Efficacité collective, numérique et nouveaux rapports sociaux

 

Ces nouveaux modes de collaboration se traduisent de façon très concrète par de nouveaux espaces de travail, comme les chaires industrielles, les laboratoires communs, ou plus simplement les projets en partenariat avec des entreprises. Qu’est-ce que ces espaces typiques apportent ?

GB : Souvent, ils apportent l’aspect multi-entreprises. C’est un élément essentiel, puisque la technologie qui sort de la collaboration n’a d’efficacité, d’impact économique, que si elle est utilisée par plusieurs entreprises et irrigue tout un marché. Ensuite, l’entreprise se sait soumise à une certaine dictature du court-terme, avec des obligations de plans annuels ou même trimestriels. De ce point de vue, elle a intérêt à travailler avec des acteurs pour qui le tempo est plus long, pour s’assurer qu’elle aura une stratégie résiliente dans la durée. Et puis ces espaces facilitent la construction des confiances entre les acteurs : les pratiques et les interactions y sont fortement régulées, juridiquement et culturellement, ce qui protège notamment l’indépendance des chercheurs. C’est tout l’apport des institutions académiques, comme l’Institut Mines-Télécom, et des financeurs publics de la recherche, comme l’ANR, que de fournir des lieux et des moyens où nous pouvons inventer ces coopérations d’autant plus fructueuses qu’elles sont respectueuses des identités de chacun.

 

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Le+bleuL’impact économique de la recherche : une mission pour l’IMT

 Sous tutelle du ministère de l’Économie et des finances, l’IMT a notamment pour objectif de favoriser le transfert de technologies des laboratoires de recherche fondamentale vers les problématiques entrepreneuriales et industrielles. C’est dans ce cadre que l’institut organise des évènements comme la Bourse aux technologies, pour faire se rencontrer chercheurs et PME afin de développer les innovations de demain. La Fondation Télécom est également un acteur de cette valorisation de la recherche, puisqu’elle soutient par exemple le lancement de start-up via des prêts d’honneur. Ces deux formes d’accélération du transfert technologique sont des témoins du rôle que joue l’IMT pour rapprocher la sphère académique du monde de l’entreprise. Des actions qui lui permettent d’être doublement titulaire depuis 10 ans du label Carnot attribué par le gouvernement.

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2 réponses
  1. Jarod dit :

    Mais en quoi serviraient-elles ces recherches si ce n’est pas à aider les sociétés à se développer, à se moderniser. L’économie est l’un des piliers d’existence des États, mais les autres secteurs ne sont pas aussi à délaisser.

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