Réseaux sociaux : leur utilisation par les professionnels
La multiplication des réseaux sociaux pousse les utilisateurs professionnels à créer un compte sur chacun d’entre eux. Des chercheurs de Télécom SudParis ont voulu savoir comment ces usagers utilisent les différentes plateformes, et si les informations postées sur chacune sont les mêmes ou non. Leurs résultats concernant les activités croisées entre Google+, Facebook et Twitter sont en ligne depuis juin dernier et seront publiés en décembre 2016 dans la revue scientifique Social Network Analysis and Mining.
Sportifs, grandes marques, personnages politiques, chanteurs et musiciens célèbres… tous sont de plus en plus présents sur les réseaux sociaux pour améliorer leur visibilité. Tant et si bien que leurs usages des plateformes comme Facebook, Twitter et Google+ sont marqués par leur professionnalisme. Reza Farahbakhsh, chercheur à Télécom SudParis, s’est intéressé à la complémentarité des différents réseaux sociaux. En particulier, il a étudié comment ces utilisateurs professionnels gèrent la publication d’un même message sur une ou plusieurs des trois plateformes précédemment mentionnées.
Ces travaux, menés avec Noël Crespi (Télécom SudParis) et Ángel Cuevas (université Carlos III de Madrid) ont mis en évidence que 25 % des messages postés sur Facebook ou Google+ par des utilisateurs professionnels sont également publiés sur un des deux autres réseaux sociaux. En contrepartie, seuls 3 % des tweets se retrouvent sur Google+ ou Facebook. Un résultat qui peut s’expliquer par le fait que les utilisateurs vraiment actifs publiant beaucoup de messages trouveraient dans Twitter une plateforme plus adaptée.
Autre aspect quantificatif de cette recherche : en moyenne, un utilisateur professionnel qui publie le même contenu sur différents réseaux sociaux utilisera dans 70 % des cas le couple Facebook -Twitter, mais pas Google+. Lorsqu’utilisée comme plateforme support de doublon, Google+ est associée à Facebook. Mais paradoxalement, plus d’usagers posteront sur les trois réseaux sociaux qu’uniquement sur Google+ et Twitter.
L’analyse sémantique pour l’extraction d’information
Pour mesurer ces valeurs, les chercheurs ont dû tout d’abord identifier des comptes influents sur les trois plateformes. 616 utilisateurs ont ainsi été isolés. L’équipe a ensuite développé des logiciels permettant d’aller chercher l’ensemble des publications de ces comptes sur Facebook, Twitter et Google+ en mettant à profit les interfaces de programmation de ces plateformes. Au total, ce sont 2 millions de messages publics qui ont été collectés par brassage.
À la suite de cette opération, des algorithmes d’analyse sémantique ont été mis à contribution pour identifier des contenus semblables entre les messages d’un même utilisateur sur différentes plateformes. Afin de s’affranchir de biais liés à la reproduction de certaines habitudes par les utilisateurs, les algorithmes ont été paramétrés pour ne chercher des contenus identiques que dans un intervalle d’une semaine en amont et en aval d’un message étudié.
La publication croisée plus engageante pour le public visé
En plus d’extraire des informations sur le contenu des messages, les chercheurs ont aussi mesuré le nombre de likes et de partages (ou retweets) sur chaque message récupéré. Ceci leur a permis de mesurer si le croisement d’une publication sur plusieurs réseaux sociaux avait un impact sur l’engagement des fans ou des followers envers le contenu des messages — c’est à dire s’ils aimeront plus sur Twitter ou partageront plus sur Facebook une publication croisée qu’une non croisée.
Dans la mesure où le dédoublement sur d’autres réseaux est utilisé afin de mieux toucher son public, il était relativement prévisible que des publications croisées sur Twitter et Facebook soient plus engageantes. Les chercheurs rendent ainsi compte qu’une publication initiée sur Facebook et republiée sur une autre plateforme attire 39 % plus de likes, 32 % plus de commentaires et 21 % plus de partages en moyenne qu’une publication non croisée. Pour une publication initiale sur Twitter, le bénéfice est encore plus grand, avec 2,47 fois plus de likes et 2,1 fois plus de partages.
En revanche, l’équipe a noté un phénomène inverse pour Google+. Une publication initialement postée sur ce réseau social et republiée sur Twitter ou Facebook atteint difficilement la moitié des likes d’une publication non croisée, et le tiers des commentaires et des partages. Un utilisateur professionnel de Google+ a donc plus intérêt à ne pas repartager sa publication sur les autres réseaux sociaux.
Dans la mesure où ces travaux relèvent de l’analyse quantitative, et non sociologique, Reza Farahbakhsh reconnaît humblement que ces derniers résultats sur l’engagement du public sont ouverts à la discussion. « Une des hypothèses probables est qu’un message publié sur Facebook et sur Twitter a un contenu plus important qu’une publication non croisée, et entraine donc de fait une plus grande réaction du public » suppose le chercheur.
Quelle plateforme comme première source de publication ?
En moyenne, la moitié des utilisateurs professionnels utilisent Facebook comme source initiale de publication croisée. 45 % préfèrent Twitter, et seulement 5 % se tournent vers Google+ comme première plateforme. Les chercheurs précisent toutefois que « 5,3 % des messages croisés font état d’une publication parallèle », attestant d’une méthode de publication automatique et simultanée sur au moins deux des trois plateformes.
Si les travaux n’expliquent pas ce qui peut motiver la préférence initiale pour tel ou tel réseau social, ils relèvent toutefois une disparité de contenu selon quelle plateforme est choisie en premier. Il est ainsi rapporté que les professionnels ayant une préférence pour Twitter publient majoritairement des contenus textuels, avec des liens renvoyant vers des sites autres que des réseaux sociaux, et dont le contenu changera peu lorsqu’ils seront republiés sur une autre plateforme. À l’inverse, les utilisateurs préférant Facebook publient plus de contenus audiovisuels, incluant des liens vers d’autres plateformes sociales.
Ces analyses quantitatives permettent de mieux comprendre les stratégies de communication des utilisateurs professionnels. Pour aller plus loin, Reza Farahbakhsh et Noël Crespi souhaitent à présent s’attarder sur l’influence de certains évènements sur les réactions du public envers des publications. Un domaine qui pourrait permettre de mieux saisir et orienter les choix de contenu des hommes et femmes politiques en période de campagne électorale par exemple, où l’influence d’une compétition comme les Jeux Olympiques pour la popularité d’un athlète.
À lire également sur le blog : L’analyse des réseaux sociaux au service de la ville connectée
En savoir + sur ces travaux en lisant la publication
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