Un micro-supercondensateur révolutionne le stockage d’énergie
Au mois de février dernier, des chercheurs de Télécom Lille et de l’université Toulouse III – Paul Sabatier ont fait part de leurs travaux sur un nouveau micro-supercondensateur. Celui-ci offre des propriétés inégalées en matière de stockage de l’énergie à l’échelle micrométrique. Une évolution technologique qui pourrait largement bénéficier au secteur des capteurs communicants et des objets connectés.
La déferlante d’objets connectés s’accompagne de nouvelles problématiques. Parmi elles : comment assurer une meilleure autonomie de ces appareils ? La technologie RFID, au cœur du développement des environnements intelligents, est demandeuse de sources d’énergie compactes. À elle seule, elle motive la recherche de nouvelles capacités de stockage et d’alimentation miniaturées. Christophe Lethien, chercheur à Télécom Lille et à l’institut d’électronique, de microélectronique et de nanotechnologie (IEMN), travaille sur ce sujet depuis quelques années déjà. En février 2016, il a cosigné une publication dans Science, en partenariat avec douze autres chercheurs dont Patrice Simon, chimiste au laboratoire Cirimat de l’université Toulouse III – Paul Sabatier. La collaboration, initiée entre les deux scientifiques en 2013 via le réseau sur le stockage électrochimique de l’énergie (RS2E), propose un tout nouveau genre de micro-supercondensateur. « Ce sont des dispositifs micrométriques qui ont un avantage par rapport aux batteries : ils ont une durée de vie quasi-infinie et se chargent très vite » précise Christophe Lethien au sujet de ce type de condensateur.
Les micro-supercondensateurs ne sont pas nouveaux… Mais l’innovation vient des propriétés de ceux mis au point par cette équipe de chercheurs. Les mesures de densité d’énergie par unité de surface et de puissance surpassent clairement les autres technologies similaires. Christophe Lethien détaille d’où viennent ces performances : « Notre supercondensateur est constitué de deux électrodes de carbone poreux. À l’intérieur de ces pores de 1 nm de diamètre viennent s’insérer des ions d’une solution dans laquelle baignent les électrodes. Les ions positifs, ou cations, viennent se loger dans les pores d’une des électrodes, et les anions dans l’autre. Afin de maximiser l’énergie, il faut avoir des pores de taille semblable à celle des ions ».
Du carbure de titane aux électrodes interdigitées
Pour contrôler avec la plus grande précision le diamètre de ces pores, les chercheurs ont adopté une approche novatrice de conception des électrodes. Tout commence avec le dépôt d’une couche micrométrique de carbure de titane — ou TiC, un alliage de titane et de carbone — sur un support de silicium. Cette étape est réalisée par pulvérisation cathodique : « Nous prenons une sorte de cachet de TiC de 10 cm de diamètre sur 6 mm d’épaisseur, que nous bombardons pour en arracher des atomes. Ceux-ci viennent ensuite se reconcentrer sur le silicium » décrit Christophe Lethien. Un revêtement de carbure de titane de 0,5 à 22 microns est ainsi déposé sur le support, dépendant de l’épaisseur voulue par les chercheurs.
Un sillon en forme de créneaux est ensuite creusé dans ce matériau afin de le séparer en deux parties, qui formeront les deux électrodes. La structure est dite interdigitée, puisqu’elle prend des airs de deux mains entrecroisées. Le bloc de TiC se retrouve donc divisé par un canyon micrométrique serpentant de façon rectangulaire. Mais les électrodes ne sont pas encore formées, car le carbure de titane n’est pas encore un matériau poreux.
Pour libérer des interstices pouvant accueillir les charges électriques sous la forme d’ions, les chimistes doivent encore extraire le titane du TiC, atome par atome, pour ne garder que le carbone. Pour ce faire, ils utilisent du chlore gazeux. Le chlore réagit avec un atome de titane en surface, le fait sortir de son emplacement entre quatre atomes de carbone libérant ainsi un espace. Une fois que tous les atomes de titane de la couche supérieure ont réagi, ce sont ceux plus en profondeur qui sont extraits. La durée du processus est maîtrisée par les chercheurs, qui décident ainsi de l’épaisseur de la couche de TiC qu’ils veulent épurer du titane et de la taille de la porosité en ajustant la température de la réaction.
Un micro-supercondensateur compatible avec la production industrielle
Cerise sur le gâteau, en poussant la chloration au maximum — et donc en enlevant tout le titane — la couche de carbone se détache du support de silicium et offre un matériau en carbone poreux flexible, utilisable pour des revêtements souples (photo de couverture). Le maintien de la couche de TiC au silicium lors d’une chloration partielle a d’ailleurs été un très gros enjeu pour les chercheurs, qui ont dû pour cela optimiser les conditions de dépôt de TiC (pression du milieu lors de l’étape de pulvérisation cathodique) et la réaction de chloration.
L’ensemble de ce processus est compatible avec une transition vers la production industrielle. « C’est un aspect que je prends toujours en compte dès le début de mes recherches, avec une volonté de transfert technologique » assure Christophe Lethien, qui cherche à présent des partenaires industriels français pour valoriser cette recherche. Une telle technologie de micro-supercondensateurs est particulièrement intéressante pour tout ce qui concerne les capteurs communicants sans fil. En effet, ces appareils sont soumis à de fortes demandes spontanées en énergie, comme l’explique le chercheur de Télécom Lille : « Lors d’un fonctionnement en veille, une batterie assure très bien l’apport en énergie. Mais dès qu’il s’agit de transmettre une information, le micro-supercondensateur excelle à fournir le surplus d’énergie demandé par l’appareil ». Avec l’essor de l’internet des objets, peu de doutes subsistent sur le fait qu’un tel résultat saura être valorisé par l’industrie technologique.
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