La sérendipité et la naissance des idées
Jeudi 21 mai, la Chaire « Modélisation des imaginaires » accueillera Sylvie Catellin, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université de Versailles St-Quentin-en-Yvelines, pour parler de la sérendipité : la faculté de « découvrir, par hasard et sagacité, des choses que l’on ne cherchait pas ». L’étudier, c’est mieux comprendre le processus de découverte scientifique, mais aussi découvrir comment naissent les idées. Antoine Saillenfest et Stéphanie Coiffier, chercheurs à Télécom ParisTech et membres de la Chaire, nous ont expliqué comment l’inattendu peut devenir source d’innovation.
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[dropcap]E[/dropcap]n 1941, l’ingénieur George de Mestral se promène dans la campagne et est surpris de voir combien il est difficile de décrocher les fleurs de bardane accrochées à son pantalon. Peu après, il brevète la bande Velcro. « La première étape de la découverte par sérendipité, c’est la découverte par hasard. Il faut déjà s’apercevoir que quelque chose ne semble pas suivre le schéma attendu. Il faut remarquer l’inattendu, » explique Antoine Saillenfest, chercheur à Télécom ParisTech. « Une fois l’intuition faite, il faut émettre des hypothèses pour interpréter sa surprise et être capable de l’expliquer par derrière. » Dans le cas du Velcro, cela consiste à comprendre que ce sont de petits crochets qui permettent à la fleur de s’agripper. « Et la dernière étape, qui va vraiment faire l’innovation, c’est de confirmer la découverte, et de trouver et mettre en œuvre des applications potentielles ou de nouvelles manières de voir le monde. » Par exemple, mettre des scratchs sur les baskets.
La sérendipité au coeur du processus d’innovation
C’est pour son rôle dans le processus de découverte que la sérendipité intéresse les chercheurs de la Chaire « Modélisation des imaginaires » de Télécom ParisTech. « Le pari de départ de la chaire, c’est que les imaginaires sont une matière première pour l’innovation et on cherche à en trouver la structure, résume Stéphanie Coiffier, sociologue spécialiste de la culture et responsable des missions et projets de la Chaire. Par imaginaires, on parle de textes, d’images, mais aussi d’émotions et de sensations. Très souvent, on met d’un côté le scientifique, le rationnel et de l’autre le créatif, l’artiste. Étudier la sérendipité c’est aussi une manière d’aborder le processus de la découverte scientifique et le processus créatif dans leur ensemble. »
Justement, la sérendipité ne se réduit pas à la notion de hasard, c’est une posture ou un état d’esprit. « Plein de gens ont vu des bardanes se coller à leurs vêtements mais ils n’ont pas inventé le scratch. L’ingénieur, lui, était déjà en train de chercher un dispositif, c’est ce qu’on appelle la simplicité d’observation, » explique Antoine Saillenfest. Dans son livre « Sérendipité, du conte au concept », Sylvie Catellin cite le physiologiste Walter B. Cannon : « les germes des grandes découvertes flottent constamment autour de nous, mais ils ne prennent racine que dans des esprits bien préparés à les recevoir. » « C’est le fameux exemple de la pomme de Newton, ajoute le chercheur, Newton cherche déjà quelque chose ; quand la pomme tombe, l’évènement a pour lui une résonance particulière et il est surpris. Ensuite, il fait une hypothèse pour expliquer sa surprise. » Il y a aussi des contextes qui permettent aux individus d’avoir l’esprit ouvert et d’être plus ou moins créatifs.
Organiser l’inattendu ?
La question est donc : comment peut-on avoir des esprits bien préparés ? « Certaines entreprises font en sorte que leurs employés soient toujours au fait des nouvelles technologies et des innovations récentes, dans des domaines autres que leur champ d’activité, » indique Antoine Saillenfest. Les incubateurs de start-ups sont aussi des lieux qui créent un contexte favorable aux associations d’idées. « Mais essayer d’organiser l’inattendu a ses limites, prévient Stéphanie Coiffier. Les industriels ont tendance à vouloir la recette qui permettrait d’innover à tous les coups, mais c’est extrêmement difficile à modéliser. Et parfois, trop organiser a même l’effet inverse. »
Peut-on modéliser mathématiquement l’inattendu ?
A Télécom ParisTech, Antoine Saillenfest et Jean-Louis Dessalles travaillent sur le premier aspect de la sérendipité – l’inattendu – dans le domaine de la fiction : Peut-on modéliser mathématiquement l’inattendu ? Un ordinateur peut-il générer de la fiction ?
Conférence « Science et littérature : la sérendipité dans les processus créatifs », par Sylvie Catellin
Jeudi 21 Mai 2015 – 18h-20h
Amphi B312
Télécom ParisTech
46 rue Barrault, 75013 Paris
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