Des métamatériaux pour rendre les antennes plus performantes
Le projet franco-anglais MIMiCRA a démontré que l’utilisation des métamatériaux améliore les performances des antennes industrielles. Xavier Begaud, chercheur à Télécom ParisTech, et son équipe ont travaillé sur deux solutions qui permettent de contrôler le faisceau des antennes.
« Dans MIMiCRA, l’objectif est de comprendre comment des solutions innovantes, inspirées des métamatériaux, peuvent apporter des contributions nouvelles dans un contexte industriel. » Le problème est le suivant : sur un avion ou un drone, les antennes GPS sont orientées vers l’espace pour trouver les satellites et recevoir les informations de positionnement. En réalité, leur faisceau de détection se limite à un cône voisin de 90° d’ouverture, en raison d’un principe physique simple : le métal qui compose les ailes et le fuselage supprime le champ électromagnétique dans les directions proches de la structure. Résultat, « lorsqu’une onde électromagnétique arrive sur le plan métallique, le champ électrique parallèle au porteur s’annule » explique Xavier Begaud. Les aéronefs perdent donc le signal dès qu’ils ne sont plus à l’horizontale par rapport au sol, et peuvent ne plus détecter les satellites situés à l’horizon. Or, grâce à des matériaux structurés, les métamatériaux, on peut désormais contourner ces principes physiques classiques et élargir le faisceau des antennes. C’est ce qu’a démontré le projet franco-anglais MIMiCRA (Metamaterial Inspired Microwave Conformal Radar Antenna), qui a pris fin en août 2014.
Contrôler le faisceau des antennes grâce aux métamatériaux
« Un métamatériau est un matériau artificiel qui a des propriétés qui n’existent pas dans la nature. Il se caractérise par des paramètres εr et µr inférieurs à 1 voire négatifs. » En électromagnétique, chaque matériau est caractérisé par une perméabilité relative µr et une permittivité relative εr. Dans la nature, εr et µr sont toujours supérieurs à 1. « Cela conduit à de nombreuses propriétés, par exemple les lois de la réfraction : un bâton plongé dans l’eau apparait cassé. Si maintenant on est capable de fabriquer des matériaux pour lesquels εr et µr sont inférieurs à 1, voire négatifs, on peut inverser ces lois, » et obtenir des propriétés nouvelles.
Pour fabriquer ces métamatériaux, on part de matériaux naturels que l’on structure avec des motifs métalliques et diélectriques agencés en réseau périodique. « Si je construit un objet beaucoup plus petit que la longueur d’onde, l’onde qui va « voir » cet objet va considérer que c’est un milieu homogène avec un εr et un µr. » En fait, la géométrie des motifs fait que, lorsque le métamatériau est éclairé par une onde électromagnétique, les différents matériaux qui le composent interagissent entre eux. Il se produit à l’intérieur des résonances et les matériaux se comportent comme s’ils ne faisaient qu’un, avec un nouvel εr et un nouvel µr. « On peut quasiment construire le matériau et donc l’antenne que l’on veut. »
Des solutions innovantes testées dans des process industriels
Durant le projet, BAe (British Aerospace), l’IEF (Institut d’Electronique Fondamentale d’Orsay) et Télécom ParisTech ont développé chacun une solution pour élargir le diagramme de rayonnement des antennes. Leurs performances ont ensuite été comparées à un produit du commerce. Ils ont démontré que ces nouvelles antennes étaient plus performantes que les antennes classiques, mais aussi que leur fabrication était compatible avec des process industriels. Un premier groupe de travail (work package) a travaillé uniquement sur les outils de simulation. Le deuxième, focalisé sur le démonstrateur et qui réunissait tous les partenaires, a fabriqué les antennes. Travailler avec des industriels a été un vrai défi : « il fallait concevoir des antennes conduisant à un coût pas trop éloigné de celle d’origine mais avec des performances supérieures, et qui soient compatible avec la structure des aéronefs. » Enfin, deux autres groupes ont travaillé sur les aspects amonts (prospectifs) et notamment sur l’utilisation de nouvelles technologies, comme l’impression 3D ou la réalisation de matériaux par pulvérisation.
A Télécom ParisTech, les chercheurs ont travaillé sur la transformation d’espace, un concept qui permet, depuis moins de dix ans, de contrôler et de focaliser les ondes électromagnétiques, avec pour le moment un certain nombre de limitations. « On a construit une sorte de « gruyère » : des galettes avec des densités de trous très différentes d’une zone à une autre, pour avoir des εr très variables sur la même structure. En utilisant ces trois galettes les unes au-dessus des autres, le tout au-dessus d’une antenne, on arrive ainsi à élargir le faisceau. »
Une fois la structure conçue et optimisé à l’aide d’un outil de simulation, le fichier a été envoyé directement à Airbus Group, qui a fait croître les trois galettes en une demi-journée avec une imprimante 3D. « L’ensemble a été mesuré, ça fonctionne. Il y a la possibilité de faire avec ces imprimantes 3D des choses qu’on ne savait pas faire avant ou que l’on s’interdisait de faire et de façon aussi très rapide. » Nous avons aussi conçu une antenne qui rayonne de façon complètement « exotique », comme l’explique Xavier Begaud : « en utilisant la Transformation d’Espace, on force l’antenne à rayonner sur les côtés pour produire ce que l’on nomme un diagramme antipodal. »
Le défi des antennes large bande
Le problème des résonances est que par nature elles existent sur une faible bande passante. Or, Xavier Begaud et son équipe sont aujourd’hui capables de construire des structures à métamatériaux permettant de générer de nouvelles fonctions et qui fonctionnent sur une large bande. « C’est l’originalité du thème développé ici à l’école. On a atténué ces résonances pour les faire fonctionner sur une plus large bande de fréquences, ou on les a couplées avec autre chose pour que les antennes continuent à fonctionner avec ces structures. » Pour ce faire, les chercheurs ont changé légèrement la taille des cellules de manière à ce qu’elles ne soient plus résonnantes toutes en même temps. Une autre solution consiste à ajouter des pertes, c’est-à-dire à amortir les résonances. L’antenne associée à ce métamatériau peut alors couvrir toutes les bandes de fréquences des différents systèmes de positionnement par satellite (GPS, Galileo, Glonass). « Si on veut que le système soit universel, il faut qu’il fonctionne sur toutes ces bandes, à la fois civiles et militaires, donc il y a besoin de large bande. »
Un nouveau projet en réflexion
Les chercheurs n’ont encore effleuré qu’une partie du sujet, mais les résultats obtenus ont démontré qu’il est possible d’utiliser les métamatériaux dans un contexte industriel et d’arriver à des prototypes fonctionnels. « Un des enseignements du projet au bout de trois ans, c’est aussi qu’on est capable de travailler ensemble, à la fois avec nos collègues anglais et avec plusieurs industriels. » C’est pourquoi l’EDA a qualifié MIMiCRA de « successfull project » et réfléchit à lancer un deuxième projet en 2015, en continuité avec le premier.
En savoir + sur le projet MIMiCRA
Cette étude a été réalisée au sein du groupe RFM du département Comelec et doit sa réussite aux chercheurs impliqués au cours de ces trois années : Anne Claire Lepage, Mark Clemente, Julien Sarrazin et Stefan Varault.
MIMiCRA : un projet franco-anglais sous l’égide de l’EDA
Placé sous l’égide de l’EDA (Agence de défense européenne), le projet a été monté par les agences de défense des deux pays – la DGA (Direction Générale de l’Armement) pour la France et le DSTL (Defence Science and Technology Laboratory) pour le Royaume-Uni – qui le financent conjointement à hauteur de 2 millions d’euros. « Les solutions que l’on a développé dans le cadre de ce projet sont typiquement des antennes qui doivent s’intégrer sur des aéronefs, des drones ou des missiles. » Parmi les partenaires industriels, issus de l’aéronautique, se trouvent Dassault Aviation, Thales systèmes aéroportés et Airbus Group Innovations du côté français, tandis qu’on a Matra Missiles et BAe (British Aerospace) du côté anglais. C’est pour développer une recherche amont sur le sujet des métamatériaux que la DGA et le DSTL se sont aussi adressés à des partenaires académiques : Télécom ParisTech, l’IEF (Institut d’Electronique Fondamentale d’Orsay), le Queen Mary College de Londres et l’Université d’Oxford.
ça c’est innovant ! Bravo pour cette initiative. Merci pour cette découverte, une merveille !